Aujourd’hui, la démocratie n’a pas failli; en effet, le peuple canadien, et je n’apporte aucune distinction provinciale pour l’instant, a voté pour un gouvernement conservateur majoritaire. La démocratie, dans sa définition la plus simple, est un régime politique dans lequel la population est maîtresse de son pays. Nous vivons plus particulièrement dans une démocratie représentative, c’est-à-dire que nous mettons au pouvoir des représentants. La tâche des représentants en question est, et je sais que je vais faire preuve d’une extrême perspicacité, de défendre les intérêts des électeurs.
Mais que signifie un gouvernement conservateur majoritaire? Cela implique que la majorité des représentants canadiens appartiennent à un parti politique, soit le Parti conservateur du Canada, qui a des lignes de conduite et des objectifs définis. Un gouvernement majoritaire implique que tous les projets de lois soumis à la Chambre des communes seront immédiatement acceptés, puisque la majorité des députés appartiendront à un parti politique. Les débats à la Chambre ne seront que frivolités et parures éphémères : les jeux sont déjà faits.
Regardons maintenant les résultats de l’électorat québécois. Nous pouvons observer les effets de la vague orange, comme nous la nommons, et les effets d’une idéologie conservatrice à laquelle le Québec, au contraire des autres provinces canadiennes, ne voue pas un culte. Et ne parlons pas du Bloc québécois qui, en raison du NPD, vient d’essuyer sa plus grande défaite depuis sa création. Sur les soixante-quinze députés québécois, seulement six ou peut-être sept (ma mémoire me fait défaut) portent la couleur bleu conservatrice alors que, dans le reste du Canada, cent soixante députés la portent avec fierté, pour le plus grand malheur des Québécois. De ce fait naît un grave problème pour la nation québécoise.
Pour une des premières fois, un gouvernement canadien devient majoritaire sans l’appui du Québec. Le gouvernement Harper sait très bien qu’il n’a plus besoin du Québec pour être élu, et cette conscience se fera sentir dans les avantages accordés aux différentes provinces. Un gouvernement conservateur majoritaire, bien que cela soit immoral, aura tendance à avantager l’électorat conservateur pour être réélu une deuxième fois en tant que gouvernement majoritaire. Désolé, mes amis utopistes, de vous annoncer que le gouvernement conservateur visera sa propre survie et non le progrès. Les Québécois ont voté massivement pour le NPD — cela dit, je ne remets aucunement leur choix en cause — et ont très peu voté pour le PCC. Nous serons donc extrêmement désavantagés face aux autres provinces canadiennes. Autrefois, les gouvernements canadiens tentaient de nous amadouer, car ils savaient que pour détenir une majorité à la Chambre des communes, ils devaient mâter l’opinion publique québécoise.
Mais ce jour est révolu, mes amis. Le Canada n’a plus besoin du Québec. Et le Québec n’a plus besoin de lui. J’espère ne pas entendre des gens clamés haut et fort «un Québec fort dans un Canada uni», car cette expression est fausse…Le Canada est tout, sauf uni. D’un côté, nous avons le Canada qui est conservateur et d’un autre côté, nous avons le Québec qui est anti-conservateur. Vous faut-il des signaux plus lumineux pour comprendre que la souveraineté du Québec est le seul choix politique cohérent pour assurer la survie d’un foyer national québécois? Comme toujours, les électeurs ont eu le dernier mot. Et j’espère qu’ils ne vivront pas avec du regret lors des quatre prochaines années qui s’annoncent sombres ou, tout au moins, peu lumineuses pour le Québec.
Aujourd’hui, j’ai honte d’être Canadien… J’ai honte de vivre dans un pays qui est contre le progrès...J’ai honte de vivre dans un pays indifférent face à l’environnement...J’ai honte de vivre dans un pays «chien-chien» qui accourra lorsque son maître américain l’appellera.
Gilles Duceppe a annoncé sa démission et avant d’achever l’écriture de cet éditorial, je dois lui rendre hommage. Il a longtemps été le défenseur de notre nation, et j’espère qu’il le sera encore longtemps. Mais d’autres prendront le flambeau souverainiste. Parce que vous le valez bien, monsieur Duceppe. Parce que vous le valez bien, mes amis. Parce que notre nation toute entière, le Québec, le vaut bien.
Olivier Massé